Métabolisme énergétique et SLA : une opportunité sous-estimée ?

30-03-2018

Autheurs Tijs Vandoorne, Katrien De Bock, Ludo Van Den Bosch

Résumé

La Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA) est une maladie neurodégénérative implacablement progressive et mortelle qui touche surtout les motoneurones. Malgré notre meilleure compréhension des facteurs génétiques contribuant à la SLA, aucun traitement efficace n’est disponible. Un nombre croissant de preuves indique des perturbations dans le métabolisme énergétique en cas de SLA. En outre, la vulnérabilité importante des motoneurones à la déplétion de l’ATP (Adénosine TriPhosphate)est devenue de plus en plus évidente. Ici, nous passons en revue les modifications métaboliques présentes chez les patients SLA et dans des modèles, abordons la vulnérabilité sélective des motoneurones au stress énergétique et donnons un aperçu des approches métaboliques émergentes testées pour traiter la SLA. Nous espérons que mieux comprendre la biologie métabolique de la SLA conduira à l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques. 

Traitements métaboliques testés sur la SLA 

En cas de  SLA, l’altération du métabolisme énergétique correspond à la progression de la maladie (Fig. 3), ce qui suggère un rôle du métabolisme énergétique dans la pathogenèse de la maladie. Le ciblage du métabolisme représente donc une stratégie rationnelle pour traiter la SLA. Ci-dessous, nous donnons un aperçu des approches thérapeutiques ciblant  le métabolisme énergétique et ayant été testées sur des patients SLA et/ou sur des modèles précliniques (tableau 1). La plupart des approches se concentrent sur l’augmentation de la fourniture de substrats énergétiques ou l’amélioration de la fonction mitochondriale. Certaines stratégies ciblent la chaîne de transport d’électrons en tant que la plus importante source du stress oxydatif cellulaire. La Créatine a aussi été étudiée pour ses capacités de stockage énergétique. Cependant, la plupart des traitements métaboliques concernent plusieurs mécanismes d’action. Un exemple est le dichloroacétate, qui améliore indirectement la fonction mitochondriale en stimulant la conversion du pyruvate en acétyl-coenzyme A (acétyl-CoA)et fournit, par conséquent, des substrats énergétiques supplémentaires pour le cycle de Krebs. Pour des raisons de clarté, nous avons classé les traitements selon leur principal mécanisme d’action.

Tableau 1

Traitements métaboliques testés sur la SLA 

 

Mécanisme d’action putatif

 

 

Traitement métabolique

 

 

Effets sur des modèles SLA

 

 

Effets sur des patients SLA

 

 

Stockage et transport d’énergie

 

 

Créatine

 

 

Amélioration de la durée de vie, de la survie des motoneurones et de la fonction motrice de souris mutantes SOD1G93A

 

 

Pas d’efficacité lors de tests cliniques en phase II/III 

 

 

Stress oxydatif

 

 

Coenzyme Q10

 

 

Amélioration de durée de survie de souris mutantes SOD1G93A

 

 

Pas d’efficacité lors de tests cliniques en phase II 

 

 

MitoQ

 

 

Toxicité réduite des astrocytes de rats mutants SOD1G93A aux motoneurones sains en co-culture

 

 

Amélioration de la fonction motrice, de la survie et de l’histopathologie de souris mutantes  SOD1G93A

 

 

A tester

 

 

Dexpramipexole

 

 

Amélioration de la survie et de la fonction motrice de souris mutantes SOD1G93A dans une étude, mais pas dans une étude suivante 

 

 

Pas d’effets sur des cellules souches pluripotentes induites de patients 

 

 

Aucun effet sur les neurones corticaux de rats transfectés avec du TDP-43 mutant ou à l’état sauvage 

 

 

Pas d’efficacité lors de tests cliniques en phase III

 

 

Edaravone

 

 

Retard de la dégénérescence des motoneurones et des dépôts de SOD1 dans la moelle épinière de souris mutante SOD1G93A

 

 

Retard de la progression de la maladie chez des souris ‘wobbler’   

 

 

Amélioration des performances moteurs de rats mutants SOD1H46R

 

 

Efficacité chez un sous-ensemble de patients SLA, -Approuvé par la FDA

 

 

Energie supplémentaire et/ou alternative

 

 

Régime riche en calories

 

 

Retard de l’apparition de la maladie et survie prolongée de souris mutantes SOD1G93A, SOD1G86R et TDP-43A315T

 

 

Retard de la perte des motoneurones de la moelle épinière de souris mutantes SOD1G93A

 

 

Résultats prometteurs d’un essai clinique en phase II 

 

 

Corps cétoniques

 

 

Un régime cétogène retarde l’apparition de la maladie, améliore la survie des motoneurones, mais pas la durée de vie de souris mutantes SOD1G93A

 

 

Les esters de cétone doivent encore être testés sur des modèles SLA 

 

 

À tester 

 

 

Triglycérides à chaîne moyenne

 

 

Apparition tardive de la maladie et survie des motoneurones améliorée chez des souris mutantes SOD1G93A

 

 

À tester 

 

 

Pyruvate

 

 

Amélioration des performances moteur, de la progression de la maladie et de la durée de vie de souris mutantes SOD1G93A non-confirmés par une étude ultérieure 

 

 

À tester 

 

 

Fonction mitochondriale

 

 

Dichloroacétate

 

 

Amélioration de la survie, retard de l’apparition de la maladie et amélioration de la survie des motoneurones de souris mutantes SOD1G93A

 

 

À tester 

 

 

Acétyl-l-Carnitine

 

 

Effets neurotrophiques sur des motoneurones embryonnaires de rat 

 

 

Amélioration de la survie de souris mutantes SOD1G93A

 

 

Résultats prometteurs lors d’unessai clinique en phase II 

 

Conclusion et perspectives d’avenir 

En conclusion, à l’heure actuelle, il est trop tôt pour envisager la SLA comme une maladie métabolique. Cependant, le nombre élevé de preuves circonstancielles reliant le métabolisme énergétique avec la physiopathologie de la SLA met en évidence le potentiel thérapeutique du ciblage du métabolisme. Comme pour beaucoup d’autres voies et mécanismes proposés comme acteurs importants de la SLA, la preuve ultime que les perturbations du métabolisme sont causalement liées à la mort sélective des motoneurones sera un essai clinique positif avec une stratégie thérapeutique ciblant le métabolisme énergétique de patients SLA. En attendant, nous sommes convaincus qu’une meilleure compréhension de la biologie métabolique de la SLA pourrait conduire à l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques. 

Remerciements

Le travail des auteurs est pris en charge par des subventions de la KU Leuven (C1 and “Opening the Future” Fund), le “Fund for Scientific Research Flanders” (FWO-Vlaanderen), le gouvernement belge (Interuniversity Attraction Poles Programme P7/16 initié par le Service public de programmation de la Politique scientifique fédérale.), la Fondation Thierry Latran, l’Association Belge contre les Maladies neuro-Musculaires (AMBM) et la ligue SLA Belgique (« A Cure for ALS »). TV est soutenu par une subvention "strategic basic research Ph.D. Grant" octroyée par le FWO (1S60116N). 

Pourquoi nous publions cet article

- Études scientifiques liés à l’alimentation sont rares

- Article bien organisé qui met l’accent sur les mécanismes d’action

- Conclusion claire et nuancée

- Belle addition aux analyses de « Untangled »

- Des études connus (dexpramipexole) sous un autre angle

- Indication de prise en charge par la SLA Ligue « A Cure for ALS »

 

Traduction : Fabien

Source : Acta Neuropathologica

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