Un petit appareil qui essaie de lire vos pensées (iBrain)

← retourner à Développements technologique récents

20-04-2012

Par David Ewing Duncan

SAN DIEGO - Déjà entouré par des machines qui lui permettent, certes avec beaucoup de peine, de communiquer, le physicien Stephen Hawking portait l’été dernier ce qui ressemblait à un bandeau noir à la mode qui tenait un dispositif léger comme une plume de la taille d'une petite boîte d'allumettes.

Appelé le iBrain, cet appareil d’une forme simple s'inscrit dans le cadre d'une expérience qui vise à permettre à M. Hawking - longtemps paralysé par la sclérose latérale amyotrophique, ou maladie de Lou Gehrig - de communiquer simplement en pensant.

Le iBrain fait partie d'une nouvelle génération d'appareils portables de neurones et d’algorithmes neuronales destinés à surveiller et diagnostiquer des conditions comme l'apnée, la dépression et l'autisme. Inventé par une équipe dirigée par Philip Low, un neuroscientifique de 32 ans qui est directeur général de NeuroVigil, une société basée à San Diego, le iBrain attire plus l’attention comme alternative possible pour les laboratoires de sommeil.

Ces laboratoires sont coûteux par ce que le patient doit souvent y passer la nuit. Ils utilisent des bonnets en caoutchouc et en plastique criblé avec des dizaines d'électrodes

« Le iBrain peut rassembler des données en temps réel dans quand le patient dort dans son lit, quand il regarde la télévision, ou quand il fait n'importe quoi », a déclaré Dr Low.

Le dispositif utilise un seul canal pour capter les ondes de signaux électriques du cerveau, qui changent avec les différentes activités et les pensées, ou avec des pathologies propres aux troubles du cerveau.

Mais les ondes rugueuses sont difficiles à lire car ils doivent passer à travers les nombreux plis du cerveau, puis du crâne, de sorte qu'ils sont interprétées avec un algorithme que Dr Low a d’abord créé pour son doctorat, obtenu en 2007 à l'Université de Californie, San Diego. (La recherche originale, publiée dans The Proceedings of the National Academy of Sciences, a été effectué sur les diamants zèbres.)

À propos de l'expérience Hawking, il disait: « L'idée est de voir si Stephen peut utiliser son esprit pour créer un modèle cohérent et susceptible de se reproduire qu'un ordinateur peut traduire en, disons, un mot ou une lettre ou une commande pour un ordinateur. »

Les chercheurs se sont rendus aux bureaux de M. Hawking à Cambridge, en Angleterre, l’ont donné le bandeau iBrain et l’ont demandé  « de s'imaginer qu'il pétrissait sa main droite jusqu’un ballon », a déclaré Dr Low. « Bien sûr, il ne peut pas vraiment bouger sa main, mais le cortex moteur dans son cerveau peut quand même émettre la commande et générer des ondes électriques dans son cerveau. »

L'algorithme, appelé Spears, a été en mesure de discerner les pensées Dr Hawking en tant que signaux, qui étaient représentés comme une série de pointes sur une grille.

« Nous voulions voir s'il y avait un changement dans le signal, » déclarait Dr Low. « Et effectivement, nous avons vu un changement dans le signal. » NeuroVigil prévoit de répéter l'étude dans de grandes populations de patients atteints de SLA et d'autres maladies neurodégénératives.

Ces résultats préliminaires viennent juste au moment où la capacité de communiquer de M. Hawking diminue à mesure que sa maladie progresse. Le physicien agé de 70 ans, dont l'esprit a produit des informations cruciales en physique théorique ainsi que le best-seller 'A Brief History of Time' a maintenant besoin de quelques minutes pour générer un message simple. Il utilise une paire de lunettes infrarouges qui ramasse des secousses dans sa joue. Son équipe à Cambridge, en Angleterre, a qualifié cette méthode comme « l’interrupteur de joue. »

« Dr Low et son entreprise ont fait un travail remarquable dans ce domaine, » a déclaré M. Hawking dans un communiqué. « Je participe à ce projet dans l'espoir que je peux donner des indications et des conseils pratiques pour NeuroVigil. Je tiens à aider à la recherche, encourager les investissements dans ce domaine, et, surtout, d'offrir un peu d'espoir pour l'avenir des personnes diagnostiquées avec la SLA et d'autres maladies neurodégénératives. »

Le physicien a également travaillé avec d'autres inventeurs cherchant à mieux faire comprendre ses pensées. Les ingénieurs de l'Intel semi-conducteurs et de l'informatique géant ont récemment accroché un ordinateur adapté pour communiquer avec ses lunettes de lecture infrarouges par sa joue, avec un synthétiseur vocal, avec un webcam pour utiliser Skype, et des écrans spéciaux. Intel développe de nouveaux logiciels de reconnaissance faciale qui peuvent surveiller des changements subtils dans l'expression et peut aider M. Hawking de communiquer plus efficacement.

Des scientifiques n'ayant aucun rapport avec Dr Low, disent qu'ils sont encouragés par le potentiel du iBrain. « Le dispositif de Philip Low est un des meilleurs surveilleurs mono-canal du cerveau existant », a déclaré Ruth O'Hara, professeur agrégé de psychiatrie et de sciences du comportement à la Stanford University Medical School. Elle envisage d'utiliser le iBrain pour les études de l'autisme. NeuroVigil n'a pas dit ce que le dispositif coûtera.

« Je ne peux pas juger de l’exactitude de ses données les plus récentes qui n’ont pas été publiées », Dr O'Hara ajoutait, « mais les données préliminaires que j'ai vues sont convaincantes. Il pourrait s'agir d'une contribution importante dans le domaine d’expertise comme une fenêtre sur l'architecture du cerveau. »

Dr Terry Heiman-Patterson, un neurologue et spécialiste SLA à l'Université Drexel College of Medicine, disait qu'elle était de concert avec NeuroVigil pour utiliser l'appareil pour des patients SLA, afin de voir comment les résultats pouvaient être comparés avec les résultats des instruments qui utilisent de multiples canaux et des électrodes.

« Dr Low fait des recherches sur des signaux qui peuvent être utilisés comme impulsations de génération, ce qui est très excitant car on dirait qu'ils peuvent être en mesure de le faire - pour Stephen Hawking et pour d'autres patients atteints de la SLA », disait Dr Heiman-Patterson

« Les patients veulent être en mesure de mieux communiquer avec d’autres gens, non seulement en clignant d’un œil. Ils veulent envoyer un e-mail, éteindre la lumière et, ce qui est plus, avoir une conversation sérieuse. »

Des moniteurs comme le iBrain sont également utilisés pour évaluer si des médicaments neurologiques expérimentaux fonctionnent dans les essais cliniques.

En 2009, NeuroVigil a conclu une convention avec le géant pharmaceutique Hoffmann-La Roche pour tester la iBrain. Aucune des deux entreprises a dévoilé les détails de leurs premiers essais. « La stratégie de NeuroVigil », disait Dr Low « est de lancer des essais cliniques avec Roche et d'autres partenaires dans l'industrie et le milieu universitaire, et de demander l'approbation de la Food and Drug Administration. »

D'autres entreprises vendent également des moniteurs du cerveau à canal unique, mais la différence avec NeuroVigil est qu’ils vendent les appareils et les logiciels directement aux consommateurs, la plupart du temps online.

Zeo, par exemple, basé à Massachusetts, se concentre sur la mesure de la structure du sommeil grâce à une application smartphone ou un dispositif radio-réveil - disponible pour 99 $ et 143 $, respectivement. Emotiv Systems, à San Francisco, offre son casque Epoc pour 299 $, plus une gamme d'applications et add-ons qui incluent neurofeedback, 3-D mapping tools et des jeux comme Angry Birds, tout en utilisant une combinaison de pensées et de mouvements des muscles faciaux enregistrés par plusieurs électrodes qui sont en contact avec la tête d'un client.

« Nous n'avons pas l'intention de nous engager dans la voie universitaire », dit Dave Dickinson, le chief executive de Zeo, qui ajoutait que les clients de son entreprise avaient enregistré déjà un million d'heures de temps de sommeil. Il ne voulait pas dire combien de dispositifs avaient été vendus. Emotiv a été fondé en 2003 et a vendu apparemment 10.000 appareils.

Dr Low a l’intention de collaborer cet été de nouveau avec M. Hawking à Cambridge pour présenter leurs données initiales lors d'une réunion de neuroscientifiques début juillet. NeuroVigil continuera à travailler avec M. Hawking et son équipe afin d’améliorer leur technologie et pour déchiffrer des signaux générés par les pensées de Dr Hawking. « Pour le moment je pense que mon interrupteur de joue est plus rapide que l'interface cerveau-ordinateur », déclarait M. Hawking dans un e-mail envoyé par un assistant, « mais si la situation changerait, j’essaierai le système de Philip Low. »

Il reste beaucoup de travail à faire, surtout avec l'intégration des ondes cérébrales de Dr Hawking avec les ordinateurs et appareils qui lui permettent de communiquer.

« Ne serait-il pas merveilleux, » disait Dr Low, « d'avoir un esprit comme Stephen Hawking et d’être en mesure de communiquer soi-même, même si ce n’était qu’un petit peu mieux? »

 

Traduction : Christopher Willems

Source : The Atlantic Wire

Share