Dégénérescence lobaire fronto-temporale en cas de SLA

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23-08-2007

Dimanche 10 Juin – mercredi 13 Juin 2007

On croyait que la SLA était une maladie qui se limitait aux motoneurones. Maintenant, on pense de plus en plus que la SLA est associée à une variété de syndromes fronto-temporales. Ces syndromes comportent des symptômes cognitifs et comportementaux, un syndrome des fonctions exécutives et, dans des cas exceptionnels, une importante démence fronto-temporale. Dans le deuxième atelier international de recherche, on aborde le chevauchement entre la dégénérescence fronto-temporale et la SLA. Le premier atelier s'occupe principalement de l'anatomie de base, de la biochimie et de la pathologie de ces deux maladies. Dans cet atelier, on veut réaliser des recherches supplémentaires sur les aspects cliniques, neuropathologiques, génétiques phénoménologiques du chevauchement entre les deux.

La nouveauté dans l'atelier de recherche 2007 est qu'il y aura une session axée sur la recherche de traitements pour les DLFT (Dégénérescence Lobaire Fronto-Temporale), et comment cela peut être une source d'information pour un meilleur traitement des symptômes semblables en cas de SLA.

La SLA était considérée, traditionnellement, comme une maladie neurodégénérative progressive chez laquelle le système moteur était ciblé, mais la découverte de démence ou de dysfonctionnements cognitifs chez un groupe significatif de ces patients a fragilisé cette conception.

Un temps de survie plus court a été observé chez les patients atteints du syndrome de dysfonction fronto-temporal. Cela pourrait être en raison du manque de suivi ou d’intérêt pour des thérapies invasives comme la nutrition entérale ou l'utilisation de la ventilation à pression non invasive.

La présence de DLFT est biologiquement importante. Dans certains cas, y compris la variante SLA du Pacifique Occidental et un certain nombre de formes de SLA sporadique, des observations pathologiques typiques à la DLFT peuvent être constatés. Ceci suggère, à un certain niveau, une superposition de la SLA avec d'autres maladies dégénératives. Cette hypothèse est confortée par le constat de la présence d’agrégats d’ubiquitine intraneuronale immunoréactive dans des motoneurones bulbaires et spinaux dans des cas d’autopsies DLFT au cours desquelles aucune preuve claire d'une maladie des motoneurones n’a été trouvée. 

 

Les critères de base pour diagnostiquer la SLA

Les critères de diagnostic SLA ‘El Escorial’ sont acceptés au niveau international et doivent se situer au cœur de chaque diagnostic SLA dans le cadre d'un syndrome fronto-temporal. Ces critères utilisent des modalités cliniques, électro-physiques, génétiques et d’imagerie neurologique pour diagnostiquer la SLA avec un niveau de certitude.

Le diagnostic SLA se base obligatoirement sur la présence d’une dégénérescence des motoneurones moteurs inférieurs (selon des critères cliniques, électro-physiques ou neuro-pathologiques) et la preuve de la dégénérescence des motoneurones supérieurs (par examen clinique) avec des signes de progression des symptômes dans une région spécifique ou vers d'autres régions.

 

Syndrome lobaire fronto-temporale en cas de SLA

Il y a d’importantes preuves de l'existence de dysfonctionnements cognitifs et comportementaux dans les cas de SLA, y compris le spectre de syndrome fronto-temporale et de démences plus classiques. Il s’agit de SLA simple où seule la dégénérescence des motoneurones se produit, de SLA associée à un déficit cognitif, de SLA avec des troubles du comportement, de SLA avec démence selon les critères « Neary » pour la DLFT. Dans la population japonaise, on a décrit une démence plutôt fluorée qui peut se produire avec la SLA. Une variante à prédominance frontale de la maladie d’Alzheimer peut également se produire avec la SLA, mais on ne sait pas s’il s’agit d’une association fortuite ou non. On estime la fréquence d'apparition de troubles cognitifs dans les cas de SLA de 10 à 75 % et l'apparition de démence de 15 à 41 %

La dégénérescence lobaire fronto-temporale se compose en trois sous-types cliniques reconnus. Le plus commun est un symptôme comportemental remarqué suite à un changement de comportement social, dysfonctionnement du comportement interpersonnel, appauvrissement affectif et perte de compréhension.

On y ajoute des cas d’aphasie progressive non-fluente (caractérisée par agrammatisme, paraphasie ou anomie progressifs non-fluents,) et de démence sémantique (caractérisée par un discours fluent avec perte du sens du mot).

Bien que la classification des patients atteints de syndromes fronto-temporale en cas de DLFT, aphasie non-fluente progressive et démence sémantique est généralement très utile, cette méthode ne peut pas servir à décrire le spectre des syndromes cognitifs et comportements associés à la SLA. Par exemple, un syndrome frontal dysexécutif peut se produire en l'absence de comportements typiquement associés à la DLFT dans les critères « de Neary ». Aucun des critères standards pour la DFLT n’ont attrait au dysfonctionnements exécutifs en cas de SLA, dysfonctionnements ayant un impact direct sur la capacité d’organiser mentalement les informations, de diviser l’attention d’adopter un comportement inhibé. Le troubles les plus fréquents du lobe frontal en cas de SLA présentent une combinaison de troubles cognitifs et comportementaux.

Des tests neurophysiologiques détaillés démontrent une prévalence de troubles cognitifs d'environ 50 % chez les patients SLA. Il est important de définir un ensemble minimal de critères sensibles et spécifiques à ces diverses maladies. Les troubles neuropsychologiques en cas de SLA sont habituellement subtils, avec l’observation de dysfonctionnements dans les domaines de la résolution de problèmes, de concentration et du contrôle mental, de la mémoire de reconnaissance continue visuelle, de la génération de mots et du « verbal free recall ». L'interprétation des dysfonctionnements peut être compliquée par certaines interférences par des variables externes qui peuvent rendre l'interprétation des études neuropsychologiques erronée.

Ces variables doivent être contrôlées (tableau 1). Lors de tests concernant les principaux domaines cognitifs, les études neuropsychologiques doivent également contenir des tests concernant les fonctions exécutives, y compris la fluidité verbale, mais aussi des mesures, par les dispensateurs de soins, des fonctionnements émotionnels et comportementaux. Les tests qui minimalisent l'impact des troubles moteurs et de la parole sont également essentiels, en particulier lors d’études de suivi. Enfin, tous les patients devraient être testés selon les critères « Neary » pour la DLFT. Alors que le développement d’un outil de screening concis concernant le syndrome lobaire fronto-temporale en cas de SLA serait très précieux lorsque la recherche neuropsychologique complète n'est pas disponible, il n'est pas encore disponible et validé pour cette population. (Tableau 2) 

 

Imagerie neurologique.

Bien que l’atrophie de l’hémisphérique droit et la perte de neurones dans le gyrus cingulaire antérieur soient associés avec des troubles cognitifs SLA, il est moins clair qu’ils soient assez robustes pour être utilisés comme un outil de diagnostic dans le paradigme de l'évaluation de dysfonctionnements cognitifs en cas de SLA. La présence d'atrophie fronto-temporale, constaté par CT-scan ou IRM, peut être un indicateur de début de dégénérescence lobaire fronto-temporale chez un patient SLA. Des tests plus dynamiques de la fonction métabolique, de la perfusion cérébrale, de la prolifération astrocytaire ou de l'activation microgliale, sont des outils encore à étudier, mais déjà bien prometteurs.

 

Diagnostic moléculaire et génétique

La variante SLA du Pacifique Occidental est l'exemple prototypique de SLA avec des troubles non-moteurs importants. Elle a d'abord été signalée après la deuxième guerre mondiale chez les Chamorros natifs à Guam et appelée démence complexe de la SLA-Parkinson de Guam. Environ 50 % des fils de ces patients ont développé la maladie de Parkinson et une démence, 25 % la SLA et 5 % des fils ont développé la maladie de Parkinson, une démence et la SLA.

L’occurrence simultanée de SLA et de DLFT est aussi décrite dans des familles à l'extérieur de Guam comme le complexe amyotrophique-désinhibition-démence- Parkinson. Dans la famille la mieux étudiée (la famille Mo), chez douze des treize patients atteints, les changements de personnalité et de comportement ont été les premiers symptômes. Les premiers symptômes sont apparus autour de la moyenne d'âge de 45 ans et la durée moyenne de survie a été de treize ans. Il y avait des pertes de mémoire précoces, de l’anomie et des problèmes de construction avec des complications ultérieures en matière d'orientation, de la parole et de calcul.

Tous les membres atteints souffraient de bradykinésie, de rigidité et de comportement instable. Dans le domaine neuro-pathologique, on a constaté des atrophies et des changements spongiformes dans le cortex fronto-temporal, la perte de neurones et de la gliose dans la substance noire et les amygdales. Deux individus présentaient des pertes de cellules dans la corne antérieure et un individu des pertes musculaires et de la fasciculation. Il n'y avait pas de corps de Lewy, des enchevêtrements neuro-fibrillaires dans les plaques amyloïdes. Le locus génétique était lié au chromosome 17 q 21-22 et la mutation s'est produite dans l'intron adjacent à l'exon 10 du gène tau.

Un grand nombre de patients souffrants de DLFT avec des liens avec le chromosome 17 ont été décrits. Une petite partie de ces patients présentait des dysfonctions cortico-spinales, des pertes musculaires et des fasciculations. Dans beaucoup de ces familles, des mutations du gène Tau, localisé sur le chromosome 17, ont été constatées, en particulier celles présentant des troubles extrapyramidaux, bien que seulement quelques cas de DLFT-SLA sont causés par des mutations connues du gène Tau. La relation entre le chromosome 17 et la DLFT est complexe, plus de 25 mutations différentes ont été identifiées dans ce gène, soupçonnées de causer des symptômes DLFT. Le lien entre la DLFT non liée au Tau chromosome 17 et la SLA est évident. En plus, une autre famille DLFT-SLA est situé sur le chromosome 9q21-q22. 

 

Des corrélations neuro-pathologiques.

Il y a eu des avancées significatives dans la caractérisation neuro-pathologique de la DLFT, y compris l'élaboration d'une classification basée sur la présence ou l'absence de tauopathies. La reconnaissance du fait qu'un sous-groupe de patients DLFT présentera à l'autopsie une dégénérescence des motoneurones, basé sur une variété de marqueurs immuno-histochimiques, a conduit à l'émergence de la superposition de terminologies neuro-pathologiques qui ont émergé majoritairement pour indiquer la présence d'un syndrome clinique. Néanmoins, la caractérisation neuro-pathologique de la DLFT associée à la SLA reste tout à fait claire. La composante de base du diagnostic neuro-pathologique de DLFT-SLA doit rester la présence ou l'absence de signes neuro-pathologiques SLA. Le problème deviendra alors la classification des patients, qui ne présentent aucune preuve ante mortem de SLA, mais où les symptômes de DLFT sont constatés simultanément avec un ou plusieurs aspects de la neuro-pathologie SLA. Ce dilemme est mis en évidence par la découverte récente d’accumulations anormales de TDP-43 intraneuronale des cas de SLA et DLFT avec inclusions d’ubiquitine.

Il y a des critères minimaux pour le diagnostic neuro-pathologique SLA, comme il y en a pour les critères cliniques du diagnostic SLA. Il doit y avoir des signes de dégénérescence du système moteur y compris la perte de cellules de la corne antérieure (CCA), de noyaux moteurs du tronc cérébral et de décroissance des voies de supra-spinales impliquées dans la fonction motrice. Ce processus dégénératif est accompagné avec une large gamme de symptômes neuro-pathologiques impliquant les motoneurones supérieurs (corticales) et inférieurs ( du tronc cérébral). Les caractéristiques neuro-pathologiques SLA englobent une variété d’inclusions intracellulaires, y compris de corps de Bunina, des inclusions d’ubiquitine ou des structures d’écheveaux et des conglomérats d’hyalines. Bien qu'aucune de ces constatations ne soit pathognomonique, beaucoup sont suffisamment univoques pour permettre le diagnostic SLA.

L'étendue de la base neuro-pathologique des syndromes des dysfonctionnements fronto-temporale SLA est encore à définir. Les patients SLA avec troubles cognitifs présentant les symptômes neuro-pathologiques typiques de la DLFT, y compris la dégénérescence spongiforme dans les corticales 2 et 3 du gyrus et frontal précentral avec gliose diffuse sous-corticale. Il y a perte de neurones du gyrus cingulaire antérieur dans la substance noire et l'amygdale. L’activation et la prolifération microgliale dans le néocortex touché est un rappel des études d'imagerie PET utilisant des marqueurs d'activation microgliale.

La marque neuro-pathologique de la DFLT en cas de SLA est la présence d'inclusions ubiquitine immunoréactives intraneuronales dans les cellules du les cellules granulaires du dentate, les couches superficielles du cortex frontal et temporal et du cortex entorhinal.

Il est utile de savoir bien que ceux-ci ne sont pas spécifiques aux cas de SLA cognitive et qu'ils peuvent être observés dans d'autres types de neurodégénérescences. Le fait est que ces inclusions immunoréactives d’ubiquitine manquent d’immunoréactivité associée aux protéines tau ou alpha-synucléine considérée comme spécifique à la SLA. On peut y voire une preuve suggérant que des perturbations dans le métabolisme de tau peuvent aussi être associées avec des dysfonctionnements cognitifs SLA, y compris la phosphorylation anormale de tau sur le site de thréonine 175. En plus de ces constatations, des neurites immunoréactives dystrophiques ont également été observées dans le cortex extramoteur avec une prédominance ou une implication dans le cortex frontal, temporal et l’hippocampe. 

 

DLFT avec une pathologie semblable à celle da la SLA

Chez un certain nombre de patients DLFT, la dégénérescence de neurones moteurs n’est observée uniquement que par la recherche neuro-pathologique. Les DLFT constituent un groupe hétérogène de maladies, qui partagent les mêmes phénomènes dans le domaine de la dégénérescence lobaire fronto-temporale, et où il y a également un important chevauchement de phénomènes neurologique. En outre, la classification des DLFT est un travail en évolution, modifié ou changé par études neurochimiques les plus récentes et de nouveaux marqueurs immunohistochimiques. Ainsi, il y a eu une analyse récente de 29 cas, provenant d'une banque de cerveaux, qui étaient classés précédemment neuropathologiquement comme DLFT. La majorité des cas n’étaient pas des taupathies, le diagnostic le plus fréquent était celui de DLFT avec modifications neuronales immunoréactives d’ubiquitine. D’autres diagnostics comprenaient la maladie de Pick, la DLFT avec la maladie de Parkinson liée au chromosome 17 (17-FTLDP), la DLDH qui est une forme de DLFT également connue sous le nom de démence avec déficit d'histopathologie distinctive, la DLFT avec maladie des motoneurones (FTLD-MND) et maladie de corps d'inclusion de neurofilaments (NIBD).

La découverte d’agrégats ubiquitin-immunoréactives du motoneurone en présence de phénomènes pathologiques DLFT mais en l'absence de phénomènes cliniques manifestes de DLFT, a conduit au concept d'une DLFT unique appelée MNDID ou ‘motor neuron disease inclusion dementia’. L'observation d'inclusions d'ubiquitine intranucléaire (Ub-INI) dans le striatum des patients avec MNDID familiale a été décrite dans 9 cas de MNDID, aucun d'entre eux aucun d’entre eux ne souffrant de SLA. Parmi eux, un seul a développé ensuite une SLA. Il n'est pas clair s’il s’agit de la même entité que celle décrite par MacKenzie et Feldman en 2004, dans laquelle des inclusions intranucléaires immunoréactives d’ubiquitine ont été observées dans la plupart des cas de « DLFT-MND-like ». C’est probable, même si ces inclusions peuvent être observées en dans les cas de SLA-D et de DLFT avec dégénérescence de motoneurones atypique pour la SLA (référé en tant que DLFT-MND -like). Une DLFT avec inclusion neuro-filamentaire (NIBD) a également été décrite dans laquelle des inclusions neurofilamentaires tau-négatif immunoréactives ont été observées.

 

Résumé

De plus en plus, les symptômes non-moteur cognitifs de la SLA peuvent être considérés comme un groupe hétérogène de « syndromes de dysfonctionnement fronto-temporale » qui comprennent des dysfonctionnements cognitifs (y compris des syndromes de dys -exécutifs), des troubles du comportement et une cohérence floride en proportion des critères Neary DLFT. Mais, dans une large majorité de ces syndromes, ces troubles sont relativement subtils et ne présentent pas le caractère d'une démence fulminante.

En conséquence, on néglige souvent les dysfonctionnements cognitifs et comportementaux lors de l'examen neurologique d’un patient SLA. La variation quotidienne de labilité émotionnelle, d’impulsivité et de prise de décision est moins critiques chez un individu chez qui la maladie invalidante nécessite une approche multi- système et multidisciplinaire. Le concept de la SLA en tant que maladie pure du système de moteur doit être radicalement revu. 

 

Tableau 1:

Variables externes dont on doit tenir compte dans l’évaluation neuropsychologique de la SLA:

Dépression

Effet pseudobulbaire

Niveau d’éducation, fonctionnement intellectuel

La présence d’une dysfonction bulbaire (pe. Dysarthrie)

Niveau de progression de la maladie

Etat Pulmonaire

Douleur

Fatigue

Médication (surtout médication de douleur et psycho trophique)

Niveau d’affaiblissement moteur

 

Tableau 2:

Classification des diagnostiques pour les dysfonctionnements cognitifs et comportementaux SLA

Titre SLA

Sous-titre SLA

Synonymes existants dans la littérature

Caractéristiques

Une maladie pure du système moteur définie par les critères El Escorial ; aucune preuve clinique pour les dysfonctions fronto-temporales.

Dégénération lobaire front temporale avec la SLA

 

ALSci

 

Dysfonctions dans la fonction cognitive frontale, insuffisants pour suffire aux critères Neary pour FTLD

 

ALSbi

 

Dysfonctions comportementaux insuffisant pour suffire aux critères Neary

 

ALS-FTLD

ALS-PA

ALS-SD

SLA-démence (SLA-D), FTLD-MND

Le patient suffit aux critères Neary pour FTLD

 

FTLD-MND-like

 

Cas de FTLD où il y a preuve neuro-pathologique de dégénération des motoneurones, insuffisante pour être classifié comme SLA

 

SLA -démence

 

SLA avec démence, atypique de la FTLD

 

SLA -parkinson-complexe démence

Variante Pacifique Occidental de SLA

SLA avec démence et/ou apparence de Parkinson dans le foci hyper endémique du Pacifique Occidental

 

Tracuction: Fabien

Source : Strong et al. ALS FTD consensus criteria

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