Des chercheurs de l'Université de Tel Aviv ont identifié le mécanisme biologique à l'origine de la destruction des nerfs dans la maladie du motoneurone SLA.

17-01-2022

IMAGE : ILLUSTRATION MONTRANT L'ACCUMULATION DESTRUCTIVE DE LA PROTÉINE TDP-43 DANS LES PROLONGEMENTS DES MOTONEURONES, EN PARTICULIER DANS LES JONCTIONS NEUROMUSCULAIRES DES PATIENTS ATTEINTS DE LA MALADIE D'ALZHEIMER, OÙ ELLE PIÈGE LES MOLÉCULES D'ARN MESSAGER ET EMPÊCHE LA SYNTHÈSE DE PROTÉINES ESSENTIELLES À LA FONCTION MITOCHONDRIALE.  

Un groupe de recherche de la faculté de médecine Sackler et de l'école des neurosciences Sagol de l'université de Tel Aviv a découvert, pour la première fois, le mécanisme biologique à l'origine de la destruction des nerfs dans la maladie neurodégénérative SLA. Cette étude révolutionnaire, dirigée par le Prof Eran Perlson et les doctorants Topaz Altman et Ariel Ionescu, suggère que l'évolution de cette maladie mortelle peut être retardée et même inversée à ses premiers stades. Elle a été menée en collaboration avec le Dr Amir Dori, directeur de la clinique des maladies neuro-musculaires du centre médical Sheba. Les résultats de l'étude ont été publiés dans la prestigieuse revue Nature Communication.

La SLA est le type le plus courant de maladie du motoneurone, qui entraîne une paralysie et une atrophie musculaire. Une personne sur 400 sera atteinte de cette maladie, pour laquelle il n’existe pas encore de traitement efficace. Les patients atteints de SLA perdent progressivement leur capacité à contrôler leurs mouvements musculaires volontaires, ce qui entraîne une paralysie complète et finit par leur faire perdre la capacité de respirer de manière autonome. L'espérance de vie moyenne des patients atteints de SLA n'est actuellement que d'environ trois ans

"À ce jour, les causes de la maladie ne sont pas claires", explique le Prof Perlson. "Seuls environ 10 % des patients ont des antécédents familiaux avec des mutations génétiques connues, les 90 % restants restent un mystère. La paralysie causée par la maladie résulte d'une atteinte des motoneurones, qui entraîne la dégénérescence des terminaisons nerveuses et la perte de l'innervation musculaire. Cela conduit à la dégénérescence du nerf et à la mort des motoneurones dans la moelle épinière. Jusqu'à présent nous ne pouvions pas comprendre le mécanisme biologique de base qui cause le dommage initial derrière cette terrible cascade".
 
Pour résoudre ce mystère, les chercheurs de l'université de Tel Aviv se sont concentrés sur une protéine appelée TDP-43, dont des études antérieures ont montré qu'elle s'accumulait en quantités et localisations inhabituelles dans le cerveau d'environ 95 % des patients atteints de SLA. Le Prof Perlson et son équipe ont mis en évidence un nouveau lien biologique entre l'accumulation de la protéine et la dégénérescence des synapses entre les terminaisons des motoneurones et les muscles, appelées jonctions neuromusculaires, qui traduisent les commandes neuronales en mouvements physiques. Dans des biopsies musculaires prélevées sur des patients atteints de SLA, les chercheurs ont constaté que la protéine toxique s'accumule également à proximité de ces jonctions neuromusculaires pendant les premiers stades de la maladie et avant que les patients ne développent des symptômes graves. Dans une série d'expériences réalisées par les chercheurs, à la fois sur des cellules de patients atteints de SLA et dans des modèles animaliers génétiquement modifiés, ils ont découvert que l'accumulation de la protéine TDP-43 dans la jonction neuromusculaire inhibe la capacité à synthétiser localement les protéines essentielles à l'activité mitochondriale, qui fournit l'énergie des processus cellulaires fondamentaux. Le dysfonctionnement des mitochondries dans les terminaisons nerveuses entraîne une perturbation de la jonction neuromusculaire et, finalement, la mort des motoneurones. Le Prof Perlson explique "Il est  important de comprendre d'abord la complexité spatiale des motoneurones".

"Les motoneurones se trouvent dans la moelle épinière et doivent atteindre chaque muscle du corps afin de le faire fonctionner. On peut imaginer, par exemple, une rallonge sortant de la moelle épinière et atteignant les muscles du petit orteil de notre pied. Ces rallonges peuvent atteindre un mètre de long chez l'adulte et sont appelées ‘axones’. Dans des études antérieures, nous avons montré que, pour maintenir cette organisation complexe, les axones des motoneurones ont besoin d'une quantité accrue d'énergie, en particulier dans les parties les plus éloignées, les jonctions neuromusculaires. Dans notre étude actuelle, nous nous sommes concentrés sur un changement pathologique de la protéine TDP-43 qui a lieu dans ces axones et aux jonctions neuromusculaires. Dans un motoneurone normal, cette protéine se trouve principalement dans le noyau. Nous avons démontré que, en cas de SLA, cette protéine sort du noyau et s'accumule dans toute la cellule et en particulier dans la jonction neuromusculaire. Comme la fonction des motoneurones dépend de ces jonctions neuromusculaires situées à l'extrémité éloignée de l’axone, nous avons réalisé que cette découverte pouvait être d'une importance critique. Nous avons découvert que les accumulations formées par la protéine TDP-43 dans les jonctions neuromusculaires piègent les molécules d'ARN et empêchent la synthèse de protéines essentielles à la fonction mitochondriale. Les mitochondries sont des organites présents dans les cellules et les principaux fournisseurs d'énergie pour de nombreux processus cellulaires, dont la transmission neuronale. L’accumulation de la protéine TDP-43 dans les jonctions neuromusculaires entraîne une grave déplétion énergétique, empêche la réparation des mitochondries et conduit à la perturbation de ces jonctions, à la dégénérescence de l'ensemble de l’axone et à la mort du motoneurone dans la moelle épinière." 

Afin de confirmer leurs résultats, les chercheurs de l'université de Tel Aviv ont décidé d'utiliser une molécule expérimentale récemment élaborée par un groupe de chercheurs américains et développée pour améliorer la régénération neuronale après une blessure par le désassemblage des condensats de protéines dans les prolongements neuronaux. Les chercheurs ont prouvé que cette molécule pouvait également désassembler les condensats protéiques axonaux TDP-43 dans les cellules de patients atteints de SLA, et que ce processus améliorait la capacité à produire des protéines essentielles, renforçait l'activité mitochondriale et prévenait la dégénérescence de la jonction neuromusculaire. De plus, chez les modèles animaliers, les chercheurs ont montré qu'en inversant l'accumulation de TDP-43 dans les nerfs et la jonction neuromusculaire, on pouvait récupérer les jonctions neuromusculaires dégénérées - et réhabiliter presque complètement les modèles animaliers malades

"Dès que nous avons induit le désassemblage des condensats de protéines TDP-43, la capacité des nerfs à produire des protéines a été rétablie, notamment la synthèse de protéines essentielles à l'activité mitochondriale. Tout cela a permis aux nerfs de se régénérer", résume le Prof Perlson. "Nous avons pu prouver, par des moyens tant pharmacologiques que génétiques, que les motoneurones peuvent se régénérer - et que les patients peuvent avoir de l'espoir. En fait, nous avons localisé le mécanisme de base, ainsi que les protéines responsables, de la détérioration de la connexion des  nerfs aux muscles et de leur dégénérescence. Cette découverte peut conduire au développement de nouvelles thérapies qui pourraient soit dissoudre les condensats de protéines TDP-43, soit augmenter la production de protéines essentielles à la fonction mitochondriale, et guérir ainsi les cellules nerveuses avant les dommages irréversibles qui se produisent dans la moelle épinière. Nous attaquons le problème par l'autre bout - la jonction neuromusculaire. Et si, à l'avenir, nous parvenons à diagnostiquer et à intervenir suffisamment tôt, il sera peut-être possible d'inhiber la dégénérescence destructrice des muscles des patients atteints de SLA".

L'étude est le fruit d'une collaboration internationale avec d'éminents scientifiques d'Allemagne, de France, d'Angleterre et des États-Unis, avec l'aide de Tal Gardus Perry et d'Amjad Ibraheem du laboratoire du professeur Perlson.

 

Traduction : Fabien
Source : COMMUNIQUÉ DE PRESSE EUREKALERT
Journal : Nature
 

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