Voyager avec la SLA

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Kris Van Reusel est un passionné de voyages, passé maitre dans l’art de les préparer et un patient SLA. Il a parcouru le monde, avant et après son diagnostic. J’ai parlé avec lui et j’ai rencontré un homme réaliste, drôle, et qui n’a pas abdiqué. Voyager est dans son sang et il le raconte longuement dans cette interview. (interview : Daphne Talboom)

Avez-vous depuis longtemps ce virus du voyage dans le sang ?

J’ai passé toute les vacances de ma jeunesse au camping Hengelhoef, dans Limbourg. C’est là que j’avais tous mes amis et que je m’amusait. Vous êtes jeune, vous avez vos amis et votre petite amie, et il ne vous faut rien de plus. Mais à vingt ans, j’ai commencé à m’ennuyer. Alors mes parents m’ont proposé de voyager jusqu’en Crète. Cela m’a tellement plu, que je n’ai pas arrêté de voyager depuis lors, même après mon diagnostic.

À quand remonte votre diagnostic ?

Mes premiers symptômes ont été constatés en novembre 2009. Le diagnostic est tombé en avril 2010, je suis déjà 7 ans le ‘fier’ propriétaire de ma SLA. Et honnêtement? Cela ne m’empêche pas de dormir. Arrivera ce qui devait arriver. Que je vive pendant encore un an ou dix, cela importe peu. Je tiens à profiter de la vie, et je le fais en voyageant. Dès que je ne pourrai plus en profiter, c’est simple : une injection et je pars. Je suis très réaliste, tout le monde meurt et mon temps viendra. Les papiers sont en ordre. Ce n’est pas toujours facile à entendre, mais ne je veux pas de compromis. Je suis vraiment heureux. Je ne m’attache plus à des futilités, et si je ne veux pas faire quelque chose alors je ne le fais pas. Je ne m’adapte pas, les autres doivent s’adapter à moi. J’essaye de profiter de chaque jour tant que s’est encore possible et cela me réussit très bien jusqu’à présent. J’ai vraiment parcouru le monde et fait beaucoup de choses. Même après 200 voyages, j’ai toujours le virus. J’ai maintenant déjà 43 ans, malgré ma maladie. Si je ne suis plus là dans 2 ou 3 ans, j’aurai eu une très bonne vie. On ne pourra jamais m’enlever cela.

Beaucoup de gens ont l’impression que la SLA limite les possibilités de voyager. Comment combiner-vous la SLA avec votre amour du voyage ?

Que pouvez-vous encore faire en tant que patient SLA si vous voulez voyager ? (Il se rapproche du micro) Tout ! Voilà, fin de l’interview (rires). Bon, il est vrai que vous ne pouvez pas faire tous les types de voyages. Vous ne pouvez plus jeter votre tente et votre sac à dos dans la voiture et partir deux semaines en vacances en montagne. Mais il y a tant d’autres façons d’explorer le monde et surtout la beauté de la nature. Depuis mon diagnostic, j’ai voyagé chaque année environ 3 à 4 fois. Au début, je pouvais encore bien marcher et j’ai effectué de longues randonnées. Je suis encore parti au Canada avec sac à dos et tente, un an après mon diagnostic. Ils m’ont déclaré fou, parce que je marchais déjà plus difficilement. Mais cela a bien fonctionné et c’était un séjour fantastique.

Il y a tant de belles choses à voir dans le monde. J’aurais bien aimé voir l’Alaska. Ce n’est hélas plus possible. Pour me consoler, je pense que ce sont des montagnes, et que cela on peut le voir à d’autres endroits. C’est la raison pour laquelle que j’ai fait la Suisse cette année. 

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Maintenant je suis plus limité dans les choses que je peux faire, mais je me concentre sur les choses qui sont encore possibles, et c’est très bien. Beaucoup de voyages en voiture. Il est souvent plus facile de voyager en groupe, mais je préfère rester seul ou voyager avec un(e) partenaire/assistant(e). Je viens de rentrer de Suisse. J’y ai beaucoup circulé avec l’aide d’une assistante et j’ai beaucoup apprécié la beauté de la nature. J’ai visité aussi, entre autres, l’Islande, l’Amérique, l’Espagne, la France, les Vosges,... J’ai beaucoup voyagé depuis mon diagnostic. Vous devez comprendre, après mon diagnostic, la période est à diviser en deux fois 3 ans. Les trois premières années, je pouvais encore marcher suffisamment. Je pouvais encore voyager bien différemment de la façon dont je peux le faire maintenant.

Les dernières trois années, j’ai du bien chercher pour trouver ce qui est encore accessible. Et vous ne devriez certainement pas sous-estimer les vacances dans votre propre pays ! Je n’aime pas trop la côte belge, mais nous avons trouvé un très joli B&B à Nieuwpoort, facilement accessible en fauteuil roulant et il y a tellement d’autres choses à faire que d’aller à la plage. En Belgique, en matière de tourisme, on devient petit à petit plus attentif à l’accessibilité. Vous remarquerez ainsi que dans ma ville natale, Herentals, ils ont aussi commencé à y faire de plus en plus attention.

Comment préparez-vous vos voyages ?

J’ai toujours organisé moi-même, autant que possible, mes voyages. J’ai une riche expérience et je sais très bien ce à quoi il faut faire attention, maintenant encore d’avantage suite à la SLA. Comment je prépare un voyage ? J’effectue de nombreuses recherches. Je commence par surfer sur booking.com, on y trouve beaucoup d’informations sur l’accessibilité en fauteuil roulant. Mais je ne réserve jamais via booking.com, parce qu’il n’y a jamais 100 % de certitude que tout soit exact. Accès en fauteuil roulant est souvent un terme relatif. Il m’est déjà arrivé dans un hôtel « parfaitement accessible » de trouver des toilettes et une baignoire sans dispositif d’aide. Comment puis-je alors entrer dans mon bain ? Il a fallu me laver au lit, pas moyen de faire autrement. Ou un hôtel où il fallait monter deux escaliers pour aller à la salle à manger. Ce n’est pas possible et il a fallu donc me porter. Mais pour moi, peu m’importe: si l’hôtel m’accepte en tant que client, ils doivent s’assurer que c’est possible. Et, jusqu'à présent, j’y suis toujours arrivé. Même s’ils doivent porter tout le temps mon fauteuil roulant. La méthode de réservation qui, selon moi, fonctionne le mieux est la suivante : je contacte directement l’hôtel que j’ai trouvé, j’explique ma situation et je pose les questions que je trouve nécessaires, sur base de mon expérience. Y a-t-il une chaise de douche ? Le restaurant est-il accessible ? La piscine est-elle accessible ? Etc. Si la réponse est non à une de ces questions, je remercie gentiment et je cherche plus loin. Mais si vous n’aimez pas vous en occuper, vous pouvez vous adresser à des organisations comme We Travel 2, qui organisent tout pour vous. Le fondateur du site est également en fauteuil roulant, donc il sait de quoi il parle.

Pouvez-vous nous en dire plus sur We Travel 2 ?

Je fais du bénévolat pour We Travel 2, une Agence de voyage spécialisée dans les voyages pour les personnes handicapées. Je vais sur le terrain pour regarder les possibilités d’une destination de voyage ou d’un hôtel qu’ils n’ont pas encore dans leurs dossiers, mais dont ils pensent qu’ils ont un potentiel. Par mon expérience de voyage, je sais ce que je dois regarder pour déterminer s’ils sont adaptés aux personnes handicapées.

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Leur objectif est que les personnes avec un handicap temporaire ou chronique ont des vacances réussies, seuls ou en groupe. Ils veillent également à ce que, pour chaque voyage, toute l’assistance soit disponible selon vos besoins et désirs, comme, par exemple, une infirmière personnelle accompagnante, moyennant un coût supplémentaire bien sûr. Un exemple personnel : J’utilise habituellement un fauteuil roulant pliant, pour des raisons de commodités de voyage. Mais si j’ai besoin d’un fauteuil roulant électrique en déplacement, avec We Travel 2, je peux en réserver un sans problème. Personnellement, j’aime conduire ma propre voiture, mais ils peuvent aussi fournir une voiture adaptée. Ils peuvent aussi organiser de l’aide à l’aéroport, ainsi que vers et au retour de l’aéroport. Ils garantissent qu'une résidence est accessible sous toutes ses facettes, sinon elle n’est pas reprise dans la brochure. Si vous voyagez avec We Travel 2, elle ne sera pas l’agence de voyages la moins chère, mais il faut voir ce qu’ils offrent. Vous n’avez aucune raison de rester à la maison. Il est aussi possible que je voyage d’abord, puis fais la promotion de l’endroit où je suis allé chez We Travel 2. Mon plus récent voyage, en Suisse, je l’ai organisé moi-même. J’étais tellement content de l’hôtel où je logeais, que j’ai présenté la brochure de cet hôtel à We Travel 2, maintenant il est repris dans leur brochure.

 Ils offrent beaucoup de destinations différentes. En Belgique, au Mexique, à Aruba, à Curaçao... J’ai même participé avec eux à un safari au Kenya. C’était parfaitement réglé, sans aucun problème. Avec le fauteuil roulant dans le véhicule, tous les hôtels magnifiquement adaptés : c’était vraiment un beau voyage. Nulle part je n’ai eu des problèmes. We Travel 2 étudie encore d’ autres pays. Ils veulent également proposer des croisières. Tant de perspectives intéressantes !

 Avez-vous été confronté à des difficultés imprévues malgré votre préparation ?

En fait, non. Vous devez toujours garder à l’esprit qu’en tant que patient en fauteuil roulant vous ne savez pas aller partout. Il y a un voyage où j’ai été surpris. Nous étions au Grand-duché de Luxembourg, et notre destination était Echternach. Comme d’habitude, j’avais tout bien préparé, mais quand nous sommes arrivés à Echternach, il n’y avait rien, absolument rien d’accessible aux fauteuils roulants. Rien dans tout l’horeca, zéro nada. En fin de compte, parce que je pouvais encore un peu marcher, nous sommes entrés quelque part où, pour aller aux toilettes, il ne fallait monter ‘que’ quatre marches. Une ville entière, où rien n’était accessible en fauteuil roulant. C’était incroyable. La Suisse est beaucoup plus accidentée, mais elle est beaucoup plus accessible en fauteuil roulant. Pour le reste, je n’ai pas vraiment eu de surprises, je pense grâce à ma préparation. Et comme je le disais, si je rencontre encore une difficulté dans un endroit où j’ai réservé, j’attends des gens qu’ils m’aident.

J’imagine que le trajet vers une destination décourage déjà certains. Comment solutionnez-vous cela ?

Il ne faut avoir aucune crainte pour les voyages en avion. Chaque compagnie aérienne offrent de l’aide. La seule chose que vous devez garder à l’esprit est les toilettes dans l’avion. Je prends de l’Immodium avant de voler pour ne pas devoir aller à selles. Pour uriner, j’ai des sacs spécifiques que l’on peut obtenir aux Pays-Bas, pas en Belgique. Lorsque vous urinez dans ces sacs, une substance qui s’y trouve se fige tout de suite. Il suffit de le fermer et de le mettre dans votre sac, jusqu'à ce que vous pouvez le jeter quelque part. C’est bien utile. Je ne m’en fait pas que quelqu'un voit que mon pantalon est un peu rabaisser. Je suis qui je suis, je suis comme je suis. S’ils ne peuvent pas le supporter, cela en dit plus long sur eux-mêmes que sur moi. Je procède habituellement comme cela : à l’aéroport je rejoins la porte d’embarquement par mes propres moyens. En fauteuil roulant, on a priorité pour passer la sécurité. Mais pour le moment de l’embarquement, j’aime qu’ils viennent me chercher. Ils me mettent sur un siège qui permet de me passer dans les couloirs entre les sièges. Et, si nécessaire, ils me lèvent pour me mettre dans mon siège d’avion.

Selon votre expérience, quels sont les pays les plus accessibles en fauteuil roulant?

En Suisse, nous nous sommes beaucoup déplacés en voiture. Avec les ascenseurs jusqu’au-dessus de la montagne, vous avez une vue magnifique. Je suis effectivement bluffé de constater combien la Suisse s’est réellement adaptée aux fauteuils roulants. Et cela pour un pays montagneux. J’ai de l’expérience avec l’Autriche et l’Italie, qui sont en général beaucoup moins accessibles aux fauteuils roulants. Les îles Canaries sont également à conseiller fortement. La plupart des touristes sont des personnes âgées, tant de choses sont adaptées, comme les piscines et les stations balnéaires, mais pas partout évidemment. Si vous êtes au sommet d’un volcan, vous ne trouverez pas de toilettes, il faudra faire pipi contre un arbre. Les îles Canaries ont été une agréable surprise, c’est proche et avec une météo toujours agréable ! We Travel 2 offre Gran Canaria et Tenerife. Lanzarote est aussi accessible en fauteuil roulant, même s’ils ne s’en vantent pas trop. C’est une île magnifique, à condition de prendre le temps de l’explorer et pas seulement la partie touristique. A plus de 30 km des lieux touristiques, c’est un si beau pays et accessible en fauteuil roulant !

Quelles ont été vos voyages préférés ?

Avant ou après mon diagnostic ? Mes préférés sont en tout cas le Canada et la Nouvelle-Zélande. Avant ma maladie : la Nouvelle-Zélande. C’est un pays qui a tout. De belles plages (comme au le Vietnam), de belles montagnes ( Alpes et Dolomites), des glaciers, des séquoias (comme en Amérique), des volcans, des forêts, etc..

Et depuis que je suis en fauteuil roulant ? Gran Canaria m’a bien plu. Et, à cause de l’ambiance familiale, Malaga. J’ai trouvé une belle maison avec une vue magnifique. Les propriétaires sont des belges qui avaient été des infirmiers et tout est adapté dans cette maison. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, vous n’avez qu’à le dire et ils le font pour vous. Il y a des élévateurs de bain, des palans, des zones adaptées. Puisqu’ils sont des infirmiers, votre famille peut prendre un peu de repos et ne pas avoir toujours à prendre soin de vous. Ainsi, ils sont eux aussi en vacances. Déjà avant, je n’étais pas vraiment un fan de l’Espagne – trop touristique ; moi j’aime la vraie nature et j’évites généralement les villes. Quand je suis allé au Canada, j’ai fait des randonnées sur des sentiers où on ne rencontre pas un homme pendant trois jours, peut-être bien un grizzli errant... j’ai été là environ un an après mon diagnostic. J’ai aussi fait beaucoup en voiture. Mon fils Jasper a été nommé d’après le magnifique parc National Jasper au Canada. Il serait agréable de pouvoir refaire ce voyage avec lui, mais il n’a que 4 ans et je suis réaliste quant à l’évolution de ma maladie. On verra bien.

J’ai fait la Jamaïque, la Nouvelle-Zélande, l’Argentine et le Chili. J’ai tout organisé de A à Z et toujours avec plaisir. Je veux avoir beaucoup voyagé avant la fin. Et je le fais autant que possible, dans la mesure du possible. Parfois avec un franc succès, parfois avec moins de succès. C'est bien ce que je fais et je veux continuer à faire de telles choses, mais il vaut mieux maintenant se limiter à l’Europe. J’ai beaucoup voyagé dans le passé et vu le reste du monde, c’est déjà pas si mal.

Des conseils pour voyager en Belgique ?

OnWheels est une application qui, selon moi, est extrêmement importante pour voyager en Belgique. Ils ont demandé à des écoles de localiser toutes les places de stationnement pour handicapés. Elle est intégrée à Google Maps. Ainsi vous pouvez, si vous avez choisi une place de parking, la télécharger dans le GPS et être guidé par Google Maps. 

On Wheels, App

Parfois il faut chercher un peu, parce que le stationnement est occupé, mais alors vous choisissez un autre parking le plus proche possible de votre destination et ainsi de suite. Un autre aspect intéressant de cette application est qu’elle est interactive. Pour évaluer des endroits tels que des cafés, des restaurants, des commerces... sur leur accessibilité en fauteuil roulant. Je demande habituellement que l’on mesure la largeur portes, pour voir si un fauteuil roulant peut passer. Et généralement ils le font parce que c’est, bien sûr, une bonne publicité pour eux. J’utilise beaucoup cette application. Une aide en or pour la préparation. Dommage qu'elle ne soit pas disponible dans d’autres pays.

 

Pour finir, quels conseils souhaiteriez-vous ajouter ?

D’un point de vue pratique ? Prévoir plus qu’un membre aidant/accompagnateur pour qu’ils puissent se relayer et aussi profiter du séjour.

Et en plus ? Ne vous laissez pas intimider. Vous pouvez encore faire et voir beaucoup de choses en tant que pALS. C’est principalement une question de faire le premier pas !

We travel 2: http://wetravel2.eu/

Onwheels: https://www.onwheelsapp.com/, application disponible pour Android et iOS

 

Traduction: Fabien

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