Y a-t-il un lien entre les cyanobactéries et la SLA?

29-01-2016

Un groupe de villageois sur l'île de Guam dans l'océan Pacifique a permis de mieux comprendre le rôle qu’une toxine environnementale pourrait jouer dans les modifications cérébrales typiques de la maladie d'Alzheimer. Les scientifiques qui ont étudié cette neurotoxine semblent avoir trouvé un possible antidote.

Au cours des années 1950, des médecins de l'armée américaine ont constaté, chez certains habitants de Chamorro sur l’ile de Guam, une maladie paralysante semblable à la maladie de Parkinson, la sclérose latérale amyotrophique (SLA) et la démence. Après le décès de ces habitants souffrant de cette affection, les scientifiques ont constaté que leurs cerveaux étaient affectés d’agglomérations de protéines amyloïdes et de fibres neuronales caractéristiques des cerveaux des personnes atteintes d'Alzheimer.

Dans la recherche des causes de cette affection sur l’ile de Guam, l’attention des scientifiques s’est focalisée sur un acide aminé environnemental : la toxine bêta-N-methylamino-L-alanine (ou L-BMAA). Le L-BMAA est créé par un large éventail de cyanobactéries et se trouve en grande quantité dans la prolifération d'algues, ainsi que chez certains animaux marins comme des requins, des poissons de fond de mer et des coquillages, qui se nourrissent de cette algue. Il a été également suspecté dans le cadre de l’augmentation du nombre de cas de SLA chez les militaires lors de la guerre du golfe Persique en 1991, ils pouvaient avoir inhalé des concentrations élevées de L-BMAA constatées dans la poussière du désert.

Les habitants de Chamorro, qui ont été étudiés, absorbaient une grande quantité de L-BMAA dans leur régime alimentaire, principalement par la viande des roussettes. Cependant, les villageois développaient parfois cette maladie dégénérative que des années après avoir mangé la viande ou la farine incriminée. Les étrangers de passage à Guam qui avaient mangé cette nourriture présentaient le même risque de développer la maladie, ce qui induit l'hypothèse selon laquelle une toxine présente dans l’environnement local est en cause.

Sur la base de ces indications, les scientifiques de l'institut d'ethnomédecine à Jackson Hole, Wyoming, ont décidé de tester les effets du L-BMAA sur des vervets, une espèce de singe africain. Ils ont nourri pendant plus de 140 jours un groupe de vervets avec des fruits contaminés avec du L-BMAA à des doses correspondant environ à la quantité de L-BMAA qu'un résident de Chamorro ingère tout au long de sa vie. Un autre groupe a reçu le dixième de cette dose et un troisième groupe a ingéré la forte dose de L-BMAA et une dose similaire d’acide aminé L-sérine. Un quatrième groupe a obtenu des fruits avec l'ajout d'un placebo neutre.

Après 140 jours, ils ont constaté des dépôts et des agglomérations de protéines amyloïdes dans le tissu cérébral des vervets qui avait absorbé du L-BMAA. Cependant, les vervets ayant absorbé également de la L-sérine présentaient des écheveaux neurofibrillaires nettement moins épais que les singes ayant absorbé uniquement du L-BMAA.

Ce nouveau rapport a été publié dans les journal « British journal Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences ».

Le corps humain synthétise la L-sérine, cet aminoacide est la clé de la croissance musculaire, d’un système immunitaire sain et du métabolisme des graisses, des acides gras et des membranes cellulaires. En collaboration avec l'Institut d'ethnomédecine, le « Phoenix Neurological Associates » effectue maintenant un essai clinique préliminaire avec des suppléments de L-serine chez des personnes atteintes de SLA. Les résultats sont espérés avant la fin de cette année.

Deborah Mash, directrice de la ‘University of Miami Brain Endowment Bank’ et co-auteure de l'étude, explique que les conclusions fournissent des preuves solides du lien causal du L-BMAA avec les maladies neurodégénératives, ce que l’on soupçonnait déjà, mais sans parvenir à le démontrer jusqu'à présent.

Elle explique: « Les écheveaux et incrustations d'amyloïde étaient pratiquement identiques à ceux constatés dans les tissus cérébraux des habitants des îles du Pacifique décédés d'une maladie semblable à Alzheimer. »

Les résultats offrent également la conclusion très intéressante qu'un simple supplément diététique peut contrer les effets neurodégénératifs de certaines toxines environnementales et donc aider les patients atteints de maladies comme Parkinson, Alzheimer ou SLA.

L'ethnobotaniste Paul Alan Cox, un des co-auteurs de l'étude, prévient qu’il y a encore beaucoup de recherches à effectuer sur l'innocuité et l'efficacité de la L-sérine, avant de pouvoir l’utiliser chez des humains pour lutter contre la maladie. Il ajoute que l'expérience sur les vervets, qui ont présenté rapidement des changements cérébraux caractéristiques d’Alzheimer est « peut être utile pour évaluer les nouveaux médicaments potentiels contre Alzheimer ».

 

Traduction : Fabien

Source : SCI-TECH Today

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