Protéines ‘’Hero’’ peuvent protéger d’autres protéines de dommage

02-04-2020

Des protéines flexibles semblent protéger les molécules de devenir dénaturées dans des conditions extrêmes comme la chaleur, et de s’agglutiner, comme c’est le cas dans certaines maladies neurodégénératives.

Eiwit

Des chercheurs de RIKEN et de la University of Tokyo rapportent l’existence d’une nouvelle classe de protéines en Drosophila (= mouches à fruits et à vinaigre) et extraits de cellules humaines, qui peuvent servir comme boucliers qui protègent d’autres protéines de devenir endommagées et de causer une maladie. Un excès de protéines, connues comme protéines Hero, était associé avec une augmentation de 30% de la durée de vie de Drosophila, selon l’étude, qui a été publiée la semaine dernière (12 mars) dans PLOS Biology.

‘’La découverte de protéines Hero a des implications à large portée,’’ dit Caitlin Davis, une chimiste de Yale University, qui n’était pas associée à l’étude, ‘’et devrait être considérée aussi bien à un niveau de base scientifique en tests biochimiques que pour des applications comme stabilisateur potentiel dans des produits pharmaceutiques à base de protéine.’’

Il y a presque 10 ans, Shintaro Iwasaki, alors un étudiant de cycle supérieur, étudiant la biochimie à la University of Tokyo, découvrait une protéine étrangement résistante à la chaleur dans Drosophila, qui semblait aider à stabiliser une autre protéine, Argonaute, face à des températures élevées qui pourraient dénaturer la plupart des protéines. Bien qu’il n’ait pas publié le travail à ce moment, Iwasaki a appelé le nouveau type de protéine une protéine chaleur-résistante obscure (Hero) __ pas pour leur aptitude à sauver Argonaute de destruction, mais parce qu’au Japon, le terme ‘’hero’’ signifie ‘’faible ou non rigide’’ et les protéines Hero n’ont pas de structures 3-D rigides comme c’est le cas chez les autres protéines. Mais la reconnaissance d’un rôle plus vaste pour les protéines Hero en protégeant d’autres molécules dans la cellule, donne un nouveau sens au nom.

‘’On assume en général que les protéines sont pliées dans des structures trois-dimensionnelles, qui déterminent leurs fonctions,’’ dit Kotaro Tsuboyama, un biochimiste à la University of Tokyo et auteur en chef de la nouvelle étude. Mais ces structures 3-D sont perturbées quand les protéines sont exposées à des conditions extrêmes. Quand les protéines sont dénaturées, elles perdent l’aptitude de fonctionner normalement et elles commencent parfois à s’agglutiner, formant des amas pathologiques qui peuvent conduire à une maladie.

Les protéines Hero peuvent survivre à ces conditions biologiquement défiantes. Des protéines chaleur-résistantes ont été trouvées dans des extremophiles — organismes connus pour vivre dans des environnements extrêmes — mais on pensait qu’elles étaient rares dans d’autres organismes. Dans la nouvelle étude, Tsbuboyama et son team ont bouilli des lysats de Drysophila et des lignées cellulaires humaines, identifiant des centaines de protéines Hero qui ont résisté à la température.

Les chercheurs ont sélectionné six de ces protéines et ils les ont mélangées avec des protéines ‘’client’’ — d’autres protéines fonctionnelles qui, étant seules, auraient été dénaturées par les conditions extrêmes — avant de les exposer à des températures élevées, séchage, produits chimiques et autres traitements ardus. Les protéines Hero ont sauvegardé certains clients de perdre leur forme et leur fonction.

Ensuite, le team a testé les effets des protéines Hero dans des modèles cellulaires de deux désordres neurodégénératifs, caractérisés par des amas pathologiques de protéines : la maladie de Huntington et la sclérose latérale amyotrophique (SLA). Lorsque les protéines Hero étaient présentes, il y avait une réduction significative dans l’agglutination des protéines dans les deux modèles.

‘’Ceci est une découverte extrêmement importante, étant donné qu’elle peut ouvrir la voie vers des stratégies thérapeutiques et préventives pour les maladies neurodégénératives, comme les maladies d’Alzheimer et de Parkinson’’, écrit Morteza Mahmoudi, qui étudie la médecine régénératrice à la Michigan State University et qui n’était pas impliqué dans la recherche, dans un courriel au The Scientist.

En dernier lieu, le team a conçu génétiquement Drosophila pour produire un excès de protéines Hero. Ces mouches ont vécu jusque 30 pourcent plus longtemps que leurs contreparties sauvages.

Pas tout le monde est convaincu que les protéines Hero jouent un rôle protectif majeur. ‘’ Bien qu’ils démontrent que ces protéines aident leurs cibles avérées à rester pliées/blindées etc., je ne pense pas du tout qu’il y ait une application plus vaste,’’ dit Nihal Korkmaz, qui dessine des protéines à la University of Washington Institute of Protein Design et qui n’a également pas participé à l’étude, dans un courriel au The Scientist. Elle ajoute que bien des protéines avec lesquelles elle travaille peuvent résister à des températures élevées et les chercheurs ‘’ne mentionnent pas du tout si [protéines Hero] sont trouvées partout dans le cerveau ou dans le CSF (= LCR - liquide céphalo-rachidien), ‘’où elles seraient capables de protéger contre la maladie de Huntington ou la SLA.

Les auteurs ont souligné qu’il reste encore beaucoup à apprendre sur les protéines. Chaque protéine Hero semble capable de protéger quelques protéines clientes, mais pas toutes. De plus, les séquences d’acides aminés diffèrent considérablement entre les protéines Hero, rendant difficile de prédire leurs fonctions. Les chercheurs écrivent dans l’étude qu’ils espèrent que les études futures les aideront à identifier avec quels clients chaque Hero pourrait travailler.

N’importe les découvertes que le travail futur pourrait contenir, Tsbuboyama dit que la réaction de la communauté scientifique sur la nouvelle étude du team a été consistante : ‘’Presque tout le monde dit que les protéines Hero sont intéressantes, mais mystérieuses.’’

K. Tsuboyama et al., ‘’Une vaste famille de protéines Hero obscures résistantes à la chaleur protège contre l’instabilité et l’agrégation de protéine,’’ PLOS Biol, doi : 10.1371/journal.pbio.3000632, 2020.

 

Traduction : Gerda Eynatten-Bové

Source : The Scientist

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