La mouche fruitière comme modèle pour SLA

29-03-2006

Erik Storkebaum est né à Lier le 21 janvier 1977. Il y a suivi l’enseignement primaire et secondaire au collège Sint-Gummarus. En 1995, il y a obtenu son diplôme, section Latin-Mathématiques. De 1995 à 2000, Erik a étudié les Sciences Pharmaceutiques à la KU Leuven. Il y a fait connaissance de son épouse Tine comme camarade de promotion pharmacienne. En 1999, il a effectué des travaux de recherche au laboratoire du Prof. Dr. W. Rombauts en préparation de son mémoire. Ce mémoire, intitulé "Moleculair-biologische analyse van de regeling van transcriptie door androgeen-responsieve enhancers", a été couronné, en 2001, du prix Farmaleuven. En juin 2000, Erik a obtenu son diplôme de pharmacien avec grande distinction.

En octobre 2000, il a entamé son doctorat au Centre de Technologie Transgène et de Thérapie Génétique, ayant le Prof Dr Peter Carmeliet comme directeur de thèse. Après sélection par un jury expert, il a été désigné comme Aspirant-FWO pour la période 2000-2004. Aujourd’hui il est l’auteur de 11 articles scientifiques, dont 4 dans des périodiques d’élite (Nature, Nature Genetics et Nature Neuroscience) et il a donné 7 conférences à des congrès internationaux. Sa recherche a été sélectionnée pour une conférence de presse au Congrès Neuroscientifique en octobre 2004. Le 28 januari 2005, il a défendu son mémoire intitulé : "Rol en therapeutisch potentieel van vasculair endotheliale groeifactor (VEGF) in motorneurondegeneratie: een studie in transgene muizen en ratten." Ce mémoire a été couronné du “Prix Baron Simonart". Avec Diether Lambrechts, Erik a également reçu le prix Galenus en couronnement de leur recherche innovatrice sur le rôle et le potentiel thérapeutiques de VEGF dans la SLA.

Depuis octobre 2005, Erik travaille comme chercheur postuniversitaire de FWO-Vlaanderen au laboratoire du Prof Dr Patrick Callaerts, un emploi qu’il combine, depuis le 5 janvier 2006, avec son rôle de père de sa petite fille Lotte. Dans sa recherche actuelle, Erik se sert de la mouche fruitière Drosphila mélanogaster afin de pouvoir mieux comprendre le mécanisme d’apparition de la SLA et de découvrir, de cette manière, des nouveaux points de départ thérapeutiques. Il espère que cette recherche contribuera finalement au traitement adéquat de cette maladie jusqu’ici toujours incurable.

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LA MOUCHE FRUITIERE COMME MODELE POUR LA SCLEROSE LATERALE AMYOTROPHIQUE

 

SLA toujours un mystère

Des affections qui attaquent les voies nerveuses ou neurones – affections neurodégénératrices – forment un problème médical et social sans cesse grandissant dans notre société occidentale. Néanmoins, jusqu’ à aujourd’hui, la compréhension des mécaniques d’apparition de cette maladie reste réduite. La Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA) est la troisième plus importante affection neurodégénératrice, après les maladies d’Altzheimer et de Parkinson, et se caractérise par la perte progressive des neurones moteurs, les neurones qui transmettent des signaux aux muscles responsables de mouvement. La plupart des patients SLA ne présentent pas d’ antécédents familiaux: seulement en 10% des cas, les autres membres de la famille sont atteints de la même affection. Dans 4 types de SLA familiale, les mutations ou les modifications d’ADN, responsables de la SLA, sont connues: ce sont les modifications à la fois dans les gènes qui codifient la superoxyde dismutase 1 (SOD1) et dans la membrane de protéine B, associée à la sénataxine et le vésicle.

Il existe différentes hypothèses autour du mécanisme d’apparition de la SLA et, depuis plus de 10 ans, des modèles souris présentant une mutation du gène SOD1 – un des gènes qui présente un rapport causal avec la SLA - sont disponibles. Cependant, le mécanisme moléculaire, qui est à la base de la dégénération sélective des neurones moteurs, reste un mystère. En outre, SLA reste incurable et le seul médicament ayant un effet prouvé (Rilutek®) ne produit une prolongation de vie que de 3 mois seulement. Il y a donc un besoin pressant d’une meilleure compréhension du mécanisme d’apparition de la SLA, ainsi que de nouveaux et de meilleurs médicaments pour le traitement de cette maladie.

 

Sénataxine est à la base de la SLA familiale

Le gène sénataxine est un gène qui vient d’être associé à la SLA. On a découvert dans ce gène 3 mutations qui donnent lieu à SLA4, une forme de SLA qui se manifeste auprès de jeunes gens (SLA juvénile). Ce qui est remarquable, c’est que 18 autres mutations dans le gène sénataxine donnent lieu à une autre affection neurodégénératrice, à savoir ataxie-oculaire-apraxie type 2 (AOA2). Ataxie se caractérise par des troubles de coordination motrice graves suite à la disparition de cellules nerveuses dans le cervelet. En AOA2 le syndrome se définit en outre par le mauvais fonctionnement de nerfs moteurs et d’affection. Bien que, à la fois en cas de SLA et d’ataxie, le même gène semble affecté, il y a des différences dans le produit génétique: ataxie trouve son origine probablement dans la perte de fonction de sénataxine, tandis qu’en SLA4 les mutations donnent probablement lieu, soit à une protéine de sénataxine avec une fonction nouvelle ou complémentaire, soit à la production d’une « forme négative dominante » de sénataxine. Cette dernière signifie que la protéine sénataxine mutante va bloquer la fonction de la protéine sénataxine normale. Quoi qu’il en soit, jusqu’à ce jour nous ignorons toujours les fonctions cellulaires précises de cette protéine sénataxine, également à cause de la découverte seulement très récente des mutations du gène sénataxine décrites ci-dessus. Pour la même raison, il n’existe pas encore de modèle animal de SLA ou d’AOA2.

 

Pourquoi la mouche fruitière ?

La petite mouche fruitière Drosophila mélanogaster est un organisme idéal à reproduire des modèles génétiques de maladies neurodégénératices humaines. Ainsi des modèles Drosophila des maladies de Parkinson, d’Alzheimer et de 'polyglutamine repeat diseases' ont déjà été générés. Chacune des mouchettes présentait un nombre de caractéristiques typiques des affections neurodégénératrices humaines correspondantes. Ces modèles Drosophila peuvent être utilisés, non seulement pour effiler les mécanismes moléculaires d’apparition d’affections neurodégénératrices, mais également pour détecter des gènes, qui aident à influencer l’évolution de la maladie et qui, par conséquent, peuvent servir comme point de départ thérapeutique, appelés ‘gènes modificateurs’. Finalement, un pareil modèle Drosophila peut également être utilisé lors de la recherche de remèdes à des affections neurodégénératrices.

Dans notre projet de recherche nous utilisons la Drosophila mélanogaster comme modèle pour SLA et ataxie parce que la mouche fruitière est l’organisme modèle le mieux adapté au dépistage de gènes qui influencent l’évolution de la maladie. Ce qui n’est pratiquement pas faisable en utilisant d’autres animaux de laboratoire comme des souris.

 

Des modèles Drosophila de SLA et de AOA2

Nous voulons générer des modèles Drosophila pour des syndromes associés au sénataxine, notamment SLA4 et AOA2. Nous examinerons si ces modèles présentent une dégénération de neurones (moteurs). Ces modèles de mouche fruitière nous permettront d’étudier en détail le mécanisme moléculaire d’apparition de la dégénération de neurones (moteurs) et à dépister des gènes qui influencent l’évolution de la maladie. Des ‘gènes modificateurs’ puissants seront ensuite examinés dans des souris.

 

Un modèle Drosophila de SLA4

SLA juvénile (SLA4) est causée par des mutations en sénataxine. Nous voulons modeler ce syndrome dans la mouche fruitière en faisant s’exprimer les protéines humaines mutantes de sénataxine dans des tissus spécifiques de la mouchette.

Dans une première phase nous amenons les gènes humains mutants de sénataxine à surexpression dans les cellules nerveuses. Les cellules nerveuses produiront alors des doses accrus de la protéine. Ensuite l’on examine si cela aboutit à un résultat clair ou phénotype. Si l’expression de sénataxine mutante dans des cellules nerveuses n’aboutit pas au phénotype, on examinera l’expression dans toutes les types de cellules. Si, par contre, l’expression de sénataxine mutante dans des cellules nerveuses aboutit bien au phénotype, on testera davantage de sélectivité des neurones moteurs en utilisant l’expression plus sélective de neurones moteurs.

En cas de phénotype trop puissant (ex. décès des embryons) et si la poursuite de l’analyse n’est plus possible, nous corrigerons naturellement l’expression en utilisant des systèmes d’expression ‘conditionnels’ . Ainsi, la sénataxine mutante peut être amenée à s’exprimer à un moment défini (ex. dans des mouches adultes) et dans un tissu spécifique (ex. dans des neurones moteurs).

 

Un modèle Drosophila d’AOA2

AOA2 est causé très probablement par la perte de fonction de sénataxine. C’est pourquoi nous essayerons de générer un modèle Drosophila d’AOA2 en désactivant le gène de sénataxine Dr osophila : cela donne lieu à la perte de fonction de la sénataxine D rosophila.

 

Caractérisation des modèles Drosophila SLA4 et AOA2

Des phénotypes neurodégénérateurs seront dépistés en analysant la durée de vie et le comportement (capacités de marche, d’escalade et de vol) des mouchettes, en même temps que des techniques histologiques et immunohistochimiques standardisées et l’électrophysiologie. A la constatation de neurodégénération l’on examinera si elle est tenue par le temps et progressive, en analysant la Drosophila à des moments/âges différents.

Si nous parvenons à générer un modèle représentatif de SLA et/ou de AOA2, ce modèle sera utilisé lors de notre recherche de gènes qui influencent l’évolution de la maladie (‘gènes modificateurs’). En outre, un modèle souris transgénique de SLA et/ou de AOA2 sera généré en collaboration avec le Prof. Peter Carmeliet. Ces modèles souris nous permettront d’examiner plus en détail les gènes que nous repêchons chez les mouchettes.

 

Perspectives d’avenir

Pour modeler des affections neurodégénératrices humaines dans la Drosp hila nous ne nous limiterons pas aux mutations dans le gène sénataxine. Dans un avenir proche, on découvrira sans nul doute de nouvelles mutations dans des patients humains, qui donnent lieu à la SLA ou à d’autres affections neurodégénératrices. Nous essayerons de développer également un modèle Drosophila pour ces nouveaux gènes en nous servant de stratégies similaires à ce qui est décrit ci-dessus. Ensuite, nous espérons identifier des gènes pathogènes potentiels par le travail génétique dans la Drosophila. A chaque fois, les gènes pathogènes potentiels seront examinés plus en détail dans les modèles souris ou par détection de mutation dans des patients humains.

Nous croyons fortement à la force de ces ‘modifier screens’ de par leur caractère sans préjugés et nous pensons que cette approche peut fournir une contribution substantielle à l’effilochage du mécanisme d’apparition d’affections neurodégénératrices humaines ainsi qu’à l’identification de cibles thérapeutiques.

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