Au-delà du récit moteur de la sclérose latérale amyotrophique : l’humour verbal et sa relation avec le profil cognitif et pragmatique

03-08-2020

Résumé

Contexte
La sclérose latérale amyotrophique (SLA) était traditionnellement décrite comme une maladie limitée au système moteur. Cependant, des découvertes récentes ont suggéré qu’elle affecte également la cognition, en particulier les fonctions exécutives, la cognition sociale, le langage et la pragmatique. Une question pertinente dans la recherche actuelle est donc la description du phénotype cognitif de la SLA et l’identification des aspects les plus vulnérables.

Objectifs
L’accent a été mis sur un phénomène de communication placé au croisement des domaines pragmatiques et cognitifs, à savoir l’humour, jusqu’ici mal exploré en SLA. Le premier objectif était de déterminer si la SLA est associée à des troubles de la compréhension et de l’appréciation de blagues. Le deuxième objectif était d’explorer les prédicteurs de la compréhension et de l’appréciation de l’humour chez les patients, de confirmer l’implication de compétences pragmatiques et d’explorer le rôle d’autres aspects cognitifs et cliniques.

Méthodes et procédures
Un total de 30 patients non déments atteints de SLA et 27 contrôles ont été évalués avec une tâche de compréhension et d’appréciation de l’humour verbal, y compris deux types de blagues : phonologiques et mentales. Nous avons également administré une batterie de tâches pragmatiques et autres tâches langagières, ainsi que des tâches cognitives et sociocognitives. Des modèles à effets mixtes ont été utilisés pour tester les différences dans la tâche d’humour entre les deux groupes. Des régressions multiples ont déterminé les meilleurs prédicteurs de la compréhension et de l’appréciation de l’humour chez les patients.

Bilan et résultats
Les patients ont obtenu des scores d’exactitude de compréhension inférieurs à ceux des contrôles dans la tâche d’humour, indépendamment du type de blague. A l’inverse, les patients et les contrôles ne différaient pas dans l’appréciation des blagues et les deux jugeaient les blagues mentales comme plus drôles que celles phonologiques. La     précision de la compréhension des patients était prédite par les compétences pragmatiques et la gravité de la SLA, tandis que l’appréciation était prédite par plusieurs variables cliniques et, dans une moindre mesure, par les compétences linguistiques.

Conclusions et implications
Les résultats suggèrent que l’humour est un aspect très vulnérable de la SLA et que la déficience de la compréhension de l’humour pourrait faire partie de la déficience cognitive plus large, étant liée à une déficience pragmatique. Les variables cliniques étaient également importantes, notamment en ce qui concerne l’appréciation de l’humour. Plus généralement, ces données plaident en faveur de la pragmatique comme aspect pertinent pour esquisser le phénotype cognitif de la SLA. Sur le plan pratique, ces résultats soulignent la nécessité de soutenir la communication dans son ensemble, non seulement les aspects liés à la motricité tels que la dysarthrie, mais aussi les aspects socio-pragmatiques tels que la compréhension des blagues, pour augmenter le bien-être dans la SLA.

Ce que cet article ajoute

Ce que l’on sait déjà à ce sujet
La littérature des dernières décennies a montré que la SLA s’accompagne d’une déficience dans plusieurs domaines cognitifs, touchant en particulier les fonctions exécutives ainsi que le langage. Il existe également des preuves initiales que la pragmatique de la communication et de la compréhension de l’humour est altérée, bien que des conversations non sérieuses aient été documentées dans l’interaction conversationnelle entre les personnes atteintes de SLA.

Ce que cet article ajoute aux connaissances existantes
Cette étude offre des preuves irréfutables d’une altération de la compréhension des blagues dans la SLA, alors que l’appréciation de la plaisanterie semble être épargnée. L’étude met également en évidence l’interaction des facteurs cognitifs (en particulier pragmatiques) et des facteurs cliniques (liés à la gravité de la maladie) dans la prédiction des performances des patients dans la tâche d’humour.

Quelles sont les implications cliniques potentielles ou réelles de ce travail ?
Les résultats de l’étude appellent à la nécessité de sensibiliser davantage les savants, ainsi que les praticiens et les soignants, au profil de la compréhension et de l’appréciation de l’humour dans la SLA. Sur le plan pratique, nous soulignons la nécessité d’évaluer la compréhension de l’humour et d’adapter le style de communication en conséquence. Deuxièmement, nous recommandons que les programmes d’intervention ciblant la communication dans la SLA aillent au-delà des difficultés d’élocution et incluent des aspects pragmatiques tels que l’humour. Compte tenu de l’importante fonction communicative et sociale de l’humour, ainsi que de son utilisation comme stratégie d’adaptation, les interventions humoristiques sont essentielles pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de SLA.

 

Source : Wiley Online Library

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