Comment les cellules souches humaines induites pluripotentes révolutionnent la découverte de médicaments

22-07-2021

La découverte de médicaments est un processus à forte intensité de ressources, caractérisé par un taux d'échec élevé. En l'absence de bons modèles précliniques, les médicaments candidats identifiés se révèlent souvent peu efficaces lors des essais cliniques sur l'homme. Les cellules dérivées de cellules souches humaines induites pluripotentes (hiPSC) reproduisent mieux la physiopathologie des maladies humaines et deviennent rapidement l'outil privilégié pour la modélisation des maladies et l'essai des médicaments. 

La découverte et le développement de médicaments sont souvent associés à une montée en flèche des coûts, qui sont souvent attribués aux taux d'échec élevés du processus de découverte de médicaments. Par exemple, 90 % des médicaments candidats identifiés ne passent même pas la phase I des essais cliniques. La principale raison en est l'utilisation de modèles précliniques qui ne récapitulent pas correctement les réponses humaines aux médicaments. 

Les modèles précliniques conventionnels comprennent des animaux, comme les rats, les lapins, les cobayes, les primates non humains, y compris les singes et les chimpanzés, ainsi que les cellules primaires humaines différenciées.

" Il y a un manque de bons modèles précliniques qui prédisent avec précision la réponse aux médicaments chez l'homme ", explique Malathi Raman, chef de produit senior des cellules souches chez Takara Bio Europe.

" Les modèles animaux ne récapitulent pas la pathophysiologie de nombreuses maladies humaines. De plus, ils ne peuvent pas détecter de manière fiable les dommages potentiels au cœur, aux reins ou au foie, car ils diffèrent des humains en termes de physiologie, de système immunitaire et de génétique."

"Si les cellules primaires différenciées humaines récapitulent mieux les maladies humaines que les modèles animaux, leur approvisionnement est limité (problèmes éthiques), elles varient d'un donneur à l'autre et ne peuvent généralement pas être développées in vitro", ajoute M. Raman.

La découverte des hiPSCs

En 2006, le chercheur japonais Shinya Yamanaka et son équipe ont introduit quatre gènes de facteurs de transcription spécifiques dans des cellules somatiques adultes, ce qui les a reprogrammées pour les ramener à un stade de cellules souches de type embryonnaire. Ces cellules ont été baptisées cellules souches induites pluripotentes (iPSC) et pouvaient être différenciées en n'importe quel type de cellule du corps humain. 

La découverte de Yamanaka a ouvert un tout nouvel éventail de possibilités en matière de modélisation des maladies, comme le développement de cellules bêta pancréatiques dérivées des iPSC ou de neurones dopaminergiques présentant un phénotype pathologique provenant de patients atteints de diabète ou de la maladie de Parkinson, respectivement. Pour ces travaux, Yamanaka a reçu le prix Nobel de médecine en 2012. 

Avant la découverte des iPSC humaines (hiPSC), les chercheurs étaient contraints d'utiliser des cellules souches embryonnaires humaines pluripotentes, ce qui pose problème en raison de leur disponibilité limitée.

"Ces problèmes de disponibilité sont résolus avec l'utilisation des hiPSC, car elles peuvent être reprogrammées à partir de cellules somatiques adultes facilement accessibles provenant de patients ou d'individus en bonne santé, puis être différenciées vers le type de cellule souhaité", a expliqué M. Raman. En raison de leur facilité d'utilisation et de leur polyvalence, les hiPSC deviennent rapidement la solution de choix pour les chercheurs.

Comment les hiPSC facilitent-elles la découverte de médicaments ?

Puisqu'elles peuvent être dérivées de patients atteints de maladies spécifiques, les hiPSCs peuvent être utilisées pour reproduire fidèlement les maladies humaines au niveau cellulaire et moléculaire, ce qui constitue un avantage majeur pour la modélisation des maladies et la découverte de médicaments.

De plus, elles peuvent également être dérivées de tissus et de cellules sains, comme la peau ou le sang, ce qui permet de réaliser des études comparatives entre des cellules et des tissus malades et sains, même chez un même individu. En effet, les hiPSC dérivées d'un individu spécifique peuvent être différenciées en différents types de cellules, ce qui permet d'obtenir un aperçu plus complexe d'une maladie spécifique. 

"Contrairement aux modèles animaux, les hiPSC offrent aux chercheurs la possibilité de réaliser des "essais cliniques" in vitro dans lesquels la toxicité et l'efficacité des médicaments peuvent être testées sur des cellules différenciées dérivées de patients spécifiques", explique M. Raman.
Ceci résulte dans l'identification de médicaments efficaces, qui peuvent ensuite être testés et corrélés in vivo chez les mêmes patients. De telles études in vitro peuvent permettre d'améliorer la classification des patients, de réduire les taux d'attrition des composés et d'identifier des médicaments plus sûrs." 

Les hiPSC dérivées de patients ont également permis de réadapter des médicaments déjà approuvés à d'autres maladies pour lesquelles les options thérapeutiques sont limitées ou inexistantes. "Nous avons déjà vu cela se produire pour la sclérose latérale amyotrophique, l'amyotrophie spinale et la maladie d'Alzheimer", ajoute M. Raman.

En outre, alors que les cellules différenciées primaires humaines conventionnelles ont des capacités de croissance limitées en culture, les hiPSCs prolifèrent en permanence et peuvent fournir une source illimitée de cellules différenciées dérivées des hiPSCs en aval. Ceci est particulièrement utile car cela limite la variabilité d'un donneur à l'autre, souvent observée dans les ensembles de données générés avec des cellules primaires humaines différenciées.

Modifier les hiPSCs avec CRISPR

Pour un certain nombre de maladies humaines, la cause génétique est connue. Pour d'autres, des outils d'édition du génome tels que CRISPR-Cas9 nous permettent d'étudier le rôle de génotypes spécifiques dans diverses maladies.

En utilisant CRISPR, on peut modifier des génotypes spécifiques à une maladie dans les hiPSCs dérivées de patients pour étudier leur rôle dans le développement et la progression de la maladie. 

Pour les maladies rares, où les hiPSC dérivées de patients ne sont pas toujours disponibles, CRISPR peut être utilisé pour introduire des mutations et créer des lignées cellulaires "malades" qui peuvent ensuite être utilisées pour d'autres recherches. 

"L'édition du génome par CRISPR permet d'introduire des modifications génétiques spécifiques dans les hiPSC, y compris l'introduction de mutations pathogènes et la correction de mutations pathogènes dans des lignées cellulaires normales et malades, respectivement, par le biais d'expériences de knock-out/knock-in de gènes", a déclaré Raman. 

Cette technique permet également de créer des lignées hiPSC isogéniques (génétiquement appariées) - où les fonds génétiques sont les mêmes et où les lignées ne diffèrent que par la mutation ajoutée ou supprimée par CRISPR. "Les lignées isogéniques fournissent un système hautement contrôlé dans lequel toute différence phénotypique est plus susceptible de résulter de cette altération spécifique", a ajouté M. Raman. 

Faire face aux limites 

Cependant, les hiPSCs présentent également certaines limites. La génération de hiPSCs peut être coûteuse, prendre du temps, et de petites variations dans la manipulation des cultures peuvent entraîner des problèmes de reproductibilité entre différents laboratoires.

En outre, les cellules dérivées des hiPSC ont tendance à présenter des caractéristiques semblables à celles des cellules fœtales et ne sont pas entièrement matures. En comparaison, les cellules des tissus organiques sont plus âgées et accumulent des caractéristiques matures en vieillissant. Il est donc plus difficile d'utiliser les cellules dérivées des hiPSC pour modéliser des maladies à déclenchement tardif comme la maladie d'Alzheimer ou de Parkinson. Pour résoudre ces problèmes, le vieillissement cellulaire doit être induit pour reproduire les caractéristiques de la maladie dans les cellules dérivées des hiPSC. 

‘’Alors que les hiPSCs sont des modèles idéaux pour étudier les troubles causés par les mutations dans un seul gène, les troubles complexes présentant une faible pénétrance et impliquant une formation aberrante des organes cibles sont plus difficiles à modéliser à l'aide des hiPSC", explique M. Raman. 

Pour aider les chercheurs à démarrer leurs études de modélisation de maladies et de développement de médicaments à partir de hiPSC, en particulier ceux qui n'ont pas le temps ou l'expertise interne nécessaire, Takara Bio a développé un système de culture de hiPSC robuste, des hiPSC prêtes à l'emploi ainsi que des cellules différenciées dérivées de hiPSC qui peuvent être utilisées pour modéliser des organes tels que le cœur, le foie, l'intestin et le pancréas. 

En outre, Takara Bio propose également une gamme de services personnalisés pour les cellules souches, y compris l'édition de gènes CRISPR-Cas9, permettant aux chercheurs d'externaliser partiellement ou totalement leurs projets de modélisation de maladies à partir de hiPSC. 

La société a également mis au point des protocoles pour la production à l'échelle industrielle de cellules hépatiques dérivées de hiPSC, appelées hépatocytes, adaptées à l'étude de maladies du foie telles que la stéatohépatite non alcoolique (NASH).

En fait, une équipe de chercheurs suédois et néerlandais a comparé les hépatocytes dérivés des hiPSC de Takara Bio (hiPS-HEP) aux hépatocytes primaires et a constaté que, malgré quelques différences, les cellules hiPS-HEP de Takara Bio étaient très similaires aux hépatocytes primaires adultes, possédant de nombreuses caractéristiques et fonctions identiques. 

Les chercheurs ont également constaté que les cellules hiPS-HEP de Takara Bio pouvaient être co-cultivées en sphéroïdes 2D et 3D avec des cellules hépatiques spécifiques appelées cellules stellaires hépatiques primaires, ce qui démontre le potentiel d'une meilleure modélisation de la maladie NASH. 

L'avenir des modèles précliniques in vitro

Outre les hiPSC, d'autres modèles précliniques in vitro évoluent également.  Par exemple, les chercheurs utilisent désormais des organoïdes pour simuler les complexités 3D des organes in vitro. 

Des progrès sont également réalisés dans les technologies de microfluidique et d'organes sur puce qui facilitent la reproduction à échelle réduite des modèles, ce qui permet d'économiser de précieuses ressources.

Par exemple, une équipe de chercheurs français et japonais a utilisé les cellules bêta dérivées des hiPSC de Takara Bio pour créer un modèle de pancréas sur puce à base de sphéroïdes en 3D, qu'ils ont utilisé pour modéliser la maladie du pancréas et le diabète, et pour cribler des médicaments antidiabétiques. 

"Dans un avenir proche, les développements en cours dans les modèles basés sur les hiPSC fourniront aux entreprises pharmaceutiques et aux chercheurs de meilleurs modèles pour tester la sécurité et l'efficacité des médicaments. Cela permettra d'économiser un temps et des ressources précieux en évitant les échecs des essais cliniques à un stade avancé", a conclu M. Raman.

Traduction : Gerda Eynatten-Bové

Source : Labiotech.eu – contribution sponsorisée par Takara Bio
 

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